Pascal MIRANDE - Icares - 2002-2007

Pascal Mirande est né le 12 juin 1968 à Sainte Adresse en Seine Maritime. Rochelais d'adoption, il travaille le dessin en autodidacte et apprend la peinture à l'huile à l'atelier Jean Louis Chollet. Diplômé des Beaux arts de Poitiers avec mention en 1993 et de Rennes en 1996, il apprend la photographie avec Alain Fleig à Poitiers et poursuit sa recherche à Rennes avec Tom Drahos, Hervé Rabot et Paul Chateau. II obtient une Bourse d'Aide Individuelle à la Création de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Bretagne en 1998 et 2004. En 2010 il travaille en résidence au Domaine d'Abbadia à Hendaye. 
Sa recherche se dirige vers l'installation "in situ" dans des lieux de mémoire humaine comme les ruines ou les monuments anciens en y construisant des structures éphémères. II vit et travaille actuellement à La Rochelle.
 



 
Technique
Photographie couleur (d'après Polaroïd) ou N&B
Texte
CV-Resume
pascal-mirande.com
Autres séries
Icares - 2002-2007
Couleur 50x50cm ou Noir et Blanc 30x40cm

Mots-clé associés
noir.et.blanc, fantastique, fiction, graphisme, illusion, imaginaire, installation, mise.en.scène, objet, terre, texture






 

J’ai fabriqué des machines volantes en brindilles, ficelle et papier dans l’esprit de celle de Léonard de Vinci et des premiers avions. Les objets sont photographiés « en vol », l’absence de profondeur de champ donnant au paysage l’apparence d’un décor.

Dans les images en noir et blanc, le cadre est inspiré des daguerréotypes, pour théâtraliser l’image et concentrer le regard dans ma fiction. Chaque avion réagit différemment au vent et il faut trouver l’angle le plus opportun pour qu’il semble voler. Je cherche dans le paysage, un point de vue qui malgré le flou décrit un nouveau voyage.

En utilisant un appareil polaroid j’ai pu tricher sur la profondeur de champ. Les teintes particulières et imprévues de ce support et les paysages choisis m’ont permis de survoler un monde fantastique dans un décors de marais salant. Je recherche le cadrage qui me donnera le côté le plus dynamique de l’objet volant et une géographie sans référence d’échelle directe. Les craquelures de la terre donnent à la photographie une ambiance de planète désertique. Les petites algues et le reflet sur l’eau simulent une vue aérienne. 

Ce travail est toujours en cours…



D’une façon générale les réalisations photographiques de Pascal Mirande se construisent à travers la mise en place d’un jeu de REprésentation du réel appelant nécessairement à la vigilance. Il fabrique des objets, utilise des formats d’image qui s’inspirent parfois de la photographie du 19ème siècle qu’il détourne pour mettre en en scène des histoires qu’il aime inventer et raconter. Les images qu’il crée interpellent et emmènent le spectateur dans un espace temps différent de celui qu’il connaît et pourtant si proche dans la réalité. « A partir du moment où tu cadres, où tu joues avec le cadrage, tu peux amener les gens où tu veux. C’est une chose que j’ai toujours aimé dans la photographie. Tout est une question de point de vue». Pour les photographies d’Icares, le cadrage est un clin d’œil à l’idée que l’on pourrait se faire de certains Daguerréotypes dont le pourtour fait écho à un espace scénique qui donne aux images une dimension théâtrale. Cette découpe esthétique devient petite fenêtre à travers laquelle I’avion prend toute son ampleur et sa force alors que le décor réel devient fictif par l’absence de profondeur de champ. Les rôles sont inversés. Ici, comme souvent, le travail de Pascal Mirande se développe suivant deux grands axes de réalisation utilisant le paysage sous deux formes différentes : parfois il est pris comme support (Ombres, Structures Rituelles), parfois il est utilisé comme décor (Etretat, Le Mont Saint-Michel, Icares). Dans un cas, le paysage est mis en avant, dans l’autre, c’est la construction qui prime. « Surréalisé » ou déréalisé, l’environnement choisi se révèle non plus tel qu’il est mais tel que le photographe le désire. Aussi, la concrétisation d’une image photographique passe-t-elle très souvent par la mise en place préparatoire de croquis et de dessins qui vont transcrire une image mentale distincte et détaillée. Pascal Mirande peut ainsi dessiner très précisément l’image qu’il veut obtenir et la photographie sera conforme au dessin. Pour lui cette « projection » est similaire à une visée télémétrique : « Il faut que les deux images se calquent. Je pourrais bosser à la chambre par rapport à cela, sauf que j’aime également que l’appareil m’emmène ailleurs ». En fait sur douze prises de vues, il y en a une qui est pensée très précisément ; la forme, la matière de l’objet, son environnement, le cadrage sont proches d’une vision alors que les onze autres vont être perçues comme un décalage. D’autres formes, d’autres points de vue et angles de vue vont alors être testés et expérimentés dans une démarche qui sera différente de celle de vouloir constituer une série. « Je ne suis pas en train de faire un travail pour faire une série. Ce n’est pas comme ça que j’ai essayé de concevoir Icares. Toutes les photographies s’appellent Icare mais je les envisage plutôt comme des expérimentations de formes, d’objets, de résistance au vent. C’est un peu comme lorsque j’ai fait des bateaux avec la résistance à l’eau. J’essaie de trouver des formes qui peuvent m’emmener ailleurs. Mais il n’y a pas la volonté d’en faire dix, quinze ou plus.»


Généralement la photographie est exploitée pour sa capacité à sublimer les choses, à les embellir et à leur donner une présence et un poids plus important que dans la réalité. D’ailleurs comme a pu le prouver H. Bayard souvent cité par Pascal Mirande, la photographie n’est pas la réalité, elle n’est qu’une interprétation de cette réalité.
Savoir comment ses objets évoluent dans les airs, dans la mer ou sur terre, comment ses mises en scène sont réalisées, ne sont donc pas des questions essentielles pour rentrer dans l’univers de Pascal Mirande. Pour lui le mystère n’est pas là. De la même façon qu’au cinéma, l’idée et l’essence même d’un film vont au-delà du making off, Icares nous transporte dans une fiction ou l’objet est censé se déplacer et l’image révéler différents degrés de lecture. « Au-delà du sujet, au-delà du bricolage, l’image prend une autre dimension. Je ne sais pas si j’y arrive mais c’est un objectif. Ce n’est pas une prouesse technique. C’est une idée qui est mise en place et dans cette idée, il y a plus que ce que l’on voit. Une fois que tu es dans l’histoire, tu ne te préoccupes plus de ce qui est vrai ou pas : tu rentres dans une histoire. ». Le point de vue, le cadrage, la fenêtre qui théâtralise et enferme l’envol d’Icare semblable à un insecte évoluant dans un petit écran, donnent à l’ensemble une vision cinématographique qui va se prolonger dans la réalisation d’un flip book, clin d’œil à l’étude de la décomposition des mouvements mis à nu par Muybridge et Marey. Cette présentation des vols d’Icare est également très proche de l’imagerie des timbres-poste que Pascal Mirande collectionnait lorsqu’il était adolescent, collection dans laquelle on retrouve classés sur une même page, différents moyens de transport dont les fusées.

Il est important de noter qu’avant d’entamer un travail photographique, Pascal Mirande effectue un travail de recherche. Dans l’élaboration des avions le mythe d’Icare est central, mais l’histoire, la forme, le temps de vol du premier aéroplane conçu par les frères Wright en 1903 font partie de ses recherches. Les dessins de machines volantes de Léonard de Vinci, auteur des premières études scientifiques sur le vol des oiseaux et son imitation mécanique, sont à la base de ses explorations. D’ailleurs l’objet construit et photographié pourrait être une matérialisation d’un des dessins de Léonard de Vinci, source d’inspiration et point de départ pour la fabrication d’Icares. « J’avais une idée précise d’un dessin de Léonard de Vinci. J’ai fait mon avion et j’ai revu le dessin qui n’a rien à voir. Mais quelque part c’est une image mentale de quelque chose. Le premier objet est fabriqué à partir d’une image mentale. Après, je suis allé voir d’autres avions et voir comment celui que j’ai fabriqué pourrait planer. Sa forme dépend aussi des bouts de bois que je collecte, et des idées au moment de la fabrication». Il y a donc une multitude d’éléments à prendre en compte pour la réalisation d’une photographie. Celle qui va clore Icares est celle dont l’avion se trouve devant Ariane. « Je voulais confronter cet objet, qui ressemble à la première idée construite du vol, à la fusée Ariane qui est l’aboutissement de quelque chose dont tout le monde a rêvé depuis l’Antiquité, Ariane, qui non seulement peut voler mais qui peut également sortir de l’atmosphère. Je souhaitais voir cet objet net réalisé en dix minutes, au-dessus de cette fusée floue, résultat de nombreuses années de recherches. C’est une image tellement prétentieuse qu’elle m’amuse. »

Pascal Mirande entendu par Isabelle Tessier, le 22 octobre 2003 à Rennes.
Isabelle Tessier est responsable de l’artothèque de Vitré.

 

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