Marc H. PEVERELLI - POLAGRAPHIES - "Et si le verre etait bleu"

Photographe professionnel à Lyon, Marc H. Peverelli a toujours été attiré par la création. En 1987 il met au point une technique personnelle, bien particulière, pemettant la transformation et l'amélioration de l'image Polaroïd originale et s'engage dans la réalisation de sa série "Polagraphie".Il maintiendra pendant plus de 15 années ses recherches sur le matériau Polaroïd. Il développe aussi la mise en oeuvre du polaroïd directement sur d'autres supports tel que sur marbre, sur papier ordinaire avec sa série Mail-Art (1992). Il joue aussi sur les différents formats possibles de la photographie Polaroîd jusqu'au très grand format avec la chambre 50x60 cm.

Il fait partie, comme les animateurs de la galerie, des personnes qui regrettent la disparition du fabuleux matériau qui a sous-tendu pendant des décennies une créativité internationale remarquable, le POLAROÏD....

   



 
Le photographe et la chambre 50x60cm Polaroïd

Mots-clé associés
couleur, polaroid, pola.transfert, autoportrait, baroque, dérision, imaginaire, mémoire, mise.en.scène, surréalisme, texture, onirique






 

Ces images que Marc H. PEVERELLI appelle polagraphies manifestent un usage paradoxal de la pellicule polaroïd. Au lieu de nous donner une version presque immédiate de l'instantané, les polagraphies sont un miroir des signes du passé. En leur surface, se réfléchissent des objets et des matières qui faisaient la consistance de l'environnement ordinaire de nos années cinquante et soixante.
Dans le cadre des polagraphies, ce monde banal et plat de jadis prend corps et relief jusqu'à se distribuer en un magasin de curiosités parfois surréalistes.
 



L'art de Marc H. Peverelli, c'est le culte photographique de l'objet-signe; les polagraphies déballent du grenier des années cinquante un choix de bibelots dont l'inventaire eût charmé Jacques Prévert: un mannequin, des rougets en Celluloïd, des gants de boxe, toute une brocante bi-dimensionnelle d'objets hors d'usage, et pour cela désirables. Marc H. Peverelli les dispose en contiguïté dans une incohérence parfaitement maîtrisée, jusqu'à ce que l'image s'apprécie comme une unité de mesure du "rétro".
Ainsi, chaque épreuve photographique recompose le rébus d'une ambiance et propose comme une idéalisation du "déjà vu". Car, c'est l'un des secrets des polagraphies que de surprendre la photogénie des ambiances. On invoquera pour comprendre ce trait particulier, le coloris des images; la chimie du Polaroïd y subit, en effet, un traitement particulier qui confère à la couleur un régime de visibilité altéré : les teintes paraissent fanées et de tonalité pastel.
Par cette atmosphère de couleur, Marc H. Peverelli délivre une passerelle entre ses rêves propres et l'imaginaire de ses spectateurs; la lumière du Technicolor joue le rôle d'un code pour recomposer le décor du passé et c'est elle qui tient lieu d'architecture aux objets déballés dans l'espace onirique à la manière  de corps flottants.
Mais aucun des procédés réunis par l'auteur ne parvient à rendre compte du charme des polagraphies; elles entr'ouvrent brusquement des pans de notre mémoire intime, et nous conduisent à l'évidence qu'en nous se tenait hébergé "ce" qu'il y avait à voir.
A cet égard les titres énigmatiques qui accompagnent chaque image n'offrent aucune indication sur le plan photographique; ils paraissent taillés dans des lieux communs, dans des sentences ou des segments de phrases concernant tout autre chose. Les polagraphies n'ont pour intitulé que l'impertinence, comme si la légende, ici, n'accomplissait sa pleine vocation que pour avouer l'impossible couverture de l'image par le langage.
Qu'on en juge par ces exemples : "La Grèce est un beau pays" désigne un intérieur vide et bleu où une femme est assise sur une chaise rococo; "L'information démocratique" a pour sujet le suicide de l'artiste symbolisé par un buste romain au nom de l'auteur et surmonté d'un pistolet braqué sur la tempe.
Ces contrepoints de l'écriture nous renvoient au paradoxe de cette oeuvre qui utilise l'instantané Polaroïd pour faire surgir le temps perdu; tout ce qui s'y exprime tient dans un clin d'oeil rigoureusement construit.

Robert PUJADE.

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