Dominique LARDET - La femme qui marche

   Photographe auteure autodidacte, Dominique LARDET est née à Lyon en 1951. Professeur de lettres classiques, elle est frappée de surdité en 1991 et se reconvertit six ans plus tard tout en restant dans l’Éducation nationale. En 2009 devenue sourde profonde elle se réfugie dans une pratique expérimentale de la photographie.
   Elle espère ainsi garder contact avec le monde qui l’entoure mais aussi exprimer dans ses images la perception difficile ou faussée, la communication décalée ou minimale voire l’isolement qu’impose un handicap presque invisible. Sans en faire pour l’instant un réel sujet, elle marque de surdité toutes ses photographies, c’est pourquoi elle met en œuvre le flou, les filés de lumière, la surimpression, les reflets et autres transpositions.



 
Technique
Surimpression de fichiers, collage en post production
Texte
Autres séries
La femme qui marche
20x25 cm






 

 Extrait du texte de Robert PUJADE

Dominique Lardet s’est engagée dans la création photographique en sublimant l’usage de la surimpression. Cette technique, apparentée à la retouche, puisqu’elle procède par superposition successive d’images, est depuis longtemps décriée par les tenants d’une photographie pure où la seule superposition admise serait celle de l’œil et de l’objectif. Il fallait donc du courage et une grande ténacité pour imposer un projet contradictoire avec les exigences communes de la mode. Un projet éminemment personnel où le regard jouait le rôle de troisième œil– son rôle ! – dans la facture de la complexe image photographique.

L’espace intérieur ! Telle est la surimpression, la seule, que Dominique Lardet impose à ses réalisations, et ceci, pour le dire d’une manière abrupte, qui ne prend pas en considération le détail des modalités combinatoires mises en place pour l’invention d’une vérité plus belle que l’objectivité. Elle l’affirme elle-même fortement avec La Femme qui marche, titre d’une série qui donne la note de fabrique de l’ensemble de sa production : que le paysage soit maritime, sablonneux, désertique, parsemé d’algues ou d’empreintes, elle est là, toujours la même, toujours elle-même, non pas au centre mais en retrait de la vue globale, dans une présence à la fois improbable et stratégique, comme si la profondeur du regard s’installait au cœur de ses prises de vue éparses.

Le Dossier de Presse  est   I
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La Femme qui marche

Rétrospective Dominique Lardet à la galerie Vrais Rêves de Lyon.

 

Dominique Lardet s’est engagée dans la création photographique en sublimant l’usage de la surimpression. Cette technique, apparentée à la retouche, puisqu’elle procède par superposition successive d’images, est depuis longtemps décriée par les tenants d’une photographie pure où la seule superposition admise serait celle de l’oeil et de l’objectif. Il fallait donc du courage et une grande ténacité pour imposer un projet contradictoire avec les exigences communes de la mode. Un projet éminemment personnel où le regard jouait le rôle de troisième oeil– son rôle ! – dans la facture de la complexe image photographique.

 

L’espace intérieur ! Telle est la surimpression, la seule, que Dominique Lardet impose à ses réalisations, et ceci, pour le dire d’une manière abrupte, qui ne prend pas en considération le détail des modalités combinatoires mises en place pour l’invention d’une vérité plus belle que l’objectivité. Elle l’affirme elle-même fortement avec La Femme qui marche, titre d’une série qui donne la note de fabrique de l’ensemble de sa production : que le paysage soit maritime, sablonneux, désertique, parsemé d’algues ou d’empreintes, elle est là, toujours la même, toujours elle-même, non pas au centre mais en retrait de la vue globale, dans une présence à la fois improbable et stratégique, comme si la profondeur du regard s’installait au coeur de ses prises de vue éparses.

 

On retrouve en cheminant dans chaque série un même contraste entre un éparpillement d’images et une structure d’harmonie qui peut être d’ordre plastique ou parfois narratif comme dans Le Ruban bleu. Dans cette série, en effet, tout commence avec un instantané : une épitaphe dont le texte est partiellement caché par une gerbe de fleurs retenue par un ruban bleu. Comme dans un flash, le prénom de Lynda s’éclaire, sort de l’obscurité où le destin l’avait plongé pour hanter la vision d’une photographe. Les paysages du comté de Durham, calmes et verdoyants, débordent de leurs cadres naturels pour envahir la vie urbaine. Un gisant, surgi des ondes, étale son silence éternel au parvis de la cathédrale St Cuthbert, les colonnes et les pilastres de la nef se confondent avec les ramures et les frondaisons des arbres forestiers, l’écume des étangs bouillonne comme après l’immersion d’Ophélie et des pommes géantes jonchent le gazon des cottages. La photographie se permet de devenir extralucide et découvre la magie des rêves d’enfance pour livrer d’imaginaires hypothèses sur l’incompréhensible absence de Lynda.


 

La surimpression rend possible un mode plastique d’écriture : l’époustouflant, le merveilleux, l’ébahissant et tout simplement le récit s’y mettent en place. Dominique Lardet s’en servira pour donner une scène visible à un épisode de son histoire familiale. Pour réaliser la série Leur Ville, elle se rendra par trois fois jusqu’à Lodz, sur les lieux de la jeunesse de ses grands-parents. Elle reconstitue ce passé à la fois étrange et personnel en découvrant sur place un paysage urbain inconnu qu’elle photographie. Elle confectionne les étapes du récit en surajoutant à ses prises de vue des fragments d’une photographie datant de 1920.

 

Sur un plan plastique, les rapprochements, les décalages et les jeux de lumière de la surimpression font se chevaucher des univers incompatibles. Lorsque Dominique Lardet s'engage dans la série Sacrée Nature, elle ne se préoccupe pas seulement de poursuivre une relation d’analogie simple entre certains aspects de la nature végétale et de l’architecture religieuse. Elle renoue avec des qualifications spirituelles moyenâgeuses de l’arbre comme Axe du Monde ou Pont du ciel. Elle scénarise l’invasion végétale de nefs monumentales grâce à une architecture de lumière qui déborde la stature des vieilles pierres, créant ainsi des relations insolites entre les éléments. Dans une photographie, on croit voir des ombellifères virevoltant en désordre à la manière d’un corps franc de méduses s’emparant de l’air de la nef comme d’un nouveau lieu de vie. Surimpressionnée, la photographie est devenue impressionnante : par sa puissance à diffuser et ordonner la lumière, elle instaure le Sacré parmi les vestiges de la croyance et la fraîcheur des frondaisons.

 

Il est heureux que cette rétrospective des ?uvres de Dominique Lardet soit exposée dans la galerie qui porte le nom de Vrais Rêves. Ce libre passage entre les rives du réel et celles de l’imaginaire s’ajuste exactement à l’engagement particulier de la photographe : faire parler le visible en intégrant dans la saisie de la réalité l’attention onirique qu’elle porte sur les vivants et les choses.

 

 

Robert Pujade

© Galerie Vrais Rêves 2024