Bernard LANTERI - SabaS
Une rencontre à Arles en 1985 grâce à un ami commun. Depuis une relation entretenue d'année en année, une amitié photographique et une amitié tout court...
Son travail nous a toujours étonné car son approche est radicalement différente de ce qui se pratique par ailleurs. Peintre ou photographe? En fait il est les deux. La prise de vue, si elle existe, n'est qu'une infime partie de sa création. Tout comme le peintre il observe, il corrige, il complète ce qu'il a devant les yeux. Son imaginaire envahit l'espace photographique. Le résultat n'est, en définitive, que le reflet de cet imaginaire qu'il sait rendre visible ...
SabaS
60x90 cm contrecollée sur alumunium
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Les compositions photographiques de la série 'SabaS' ne comportent pas le moindre élément prélevé dans la réalité. En référence directe avec l'étymologie, les formes présentes dans la photographie proviennent uniquement de projections de lumière sur une surface neutre, une feuille de papier vierge, à partir d'une source lumineuse, une lampe électrique, et des filtres colorés. Les effets lumineux sur le papier sont photographiés, le film négatif permet la reproduction et donc l'accumulation successive de reflets sur une même image. Les formes réalisées restent ouvertes sur toutes les interprétations personnelles, mais dont aucune ne peut être constitutive de l'image. En éloignant la fixation habituelle sur la recherche du sens, cette proposition invite davantage à une perception sensible de l'image, à partir de formes et de matières purement photographiques.
SabaS (Texte de Bernard LANTERI)
Jusqu'à cette série en couleur exposée, je me suis efforcé de maîtriser la photographie en noir et blanc, car il est possible d'être responsable de toutes les étapes de la création, y compris le tirage de grand format, avec une installation technique individuelle de taille raisonnable. Et la vision en noir et blanc introduit une distance personnelle avec la réalité, bien utile. En travaillant pendant longtemps, la nécessité d'éliminer de l'image les éléments inutiles est devenue une évidence. Le plus simple consiste d'abord à s'appuyer sur la réflexion disponible sur la nature de l'image. Pour s'en tenir à quelques éléments, prendre conscience que l'Art ne communique rien à personne, ce qui le place en dehors de tous les autres domaines comme, par exemple, l'intérêt souvent porté aux problèmes de société. Ou que l'image - la photo - est toujours muette. Cela évite bien des quiproquos avec ce que l'on souhaite «exprimer ». Certes, le mutisme de la photo permet de tout lui attribuer, librement, en particulier avec une légende. Ou bien, se rappeler que la photographie n'est rien d'autre que le tracé de formes par la lumière. Tout le reste relevant de considérations extérieures à l'image, seulement attribuées à son fonctionnement. En constatant aussi que mes photographies «à thème » ou à partir d'objets appartenant au réel donnaient lieu à des interprétations extravagantes, aux antipodes de ma « volonté » initiale, il m'est apparu illusoire de continuer à produire des images soi-disant référencées. Et plutôt de tenter de « rendre visible l'invisible », se positionner dans le domaine de l'art, sans prélever les éléments de la réalité, plombés de sens. Il suffit de revenir aux fondements de la photo-graphie, comme les « dessins photogéniques » de William Fox Talbot et de Hippolyte Bayard. Avec les techniques actuelles, j'obtiens des formes non matérielles, non figuratives. Depuis une quinzaine d'années, donc, je réalise des photographies à partir de projections de lumière sur une surface neutre, une feuille de papier vierge. Je crée mes propres formes, organisées, par introduction successive, dans une composition photographique. A la façon d'un peintre. L'absence de sens initial proposé, proposable, ouvre largement l'appropriation sensible de l'image. Il restait à exploiter la couleur. Je m'y emploie, maintenant, avec la série « SabaS ».