Keiichi TAHARA - Dans l'épaisseur de la lumière
De même qu'elle est une composante intrinsèque de l'existence, la lumière est l'essence même du travail photographique de Keiichi Tahara. Cette quête, comparable au cheminement du Minotaure, se déroule au sein du labyrinthe chaotique de la mémoire. D'exposition en exposition ou installation Keiichi Tahara affine son approche de la lumière. Pour cette nouvelle exposition à la galerie Vrais Rêves il la sculpte. Il est maintenant "Dans l'épaisseur de la lumière".
Dans l'épaisseur de la lumière
Variables de 30x40cm à 75x90cm
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UN HOMME REGARDE PAR LA FENÊTRE.
Ou plutôt, il regarde la surface que délimite le bois de la fenêtre, le cadre de métal du vasistas. La vitre n’est pas tout à fait transparente. Entre le dedans, où se trouve l’homme, et le dehors – où l’on distingue des nuages, des toits, des bâtisses –, la buée, la poussière, les déjections d’oiseaux, les traces de pluie dessinent un paysage voilé, tremblé, charbonneux. Ici, un bout de mur apparaît, qu’un rai de lumière dispute à l’ombre. Là, de part et d’autre du vasistas entrouvert, c’est un peu de ciel qui s’échappe. Les obliques font vaciller le regard, dérangent le cadre, bousculent les perpendiculaires.
Nous sommes à Paris, c’est le matin. L’homme, les yeux à peine ouverts, allume une cigarette. Le soleil qui perce le vasistas lui apparaît alors, pendant un bref instant, « comme la lumière même », écrira-t-il. Le rayon souligne les volutes de fumée, fait étinceler la vitre, révèle ce qui s’étend audelà : « Au milieu des nuages, de la lucarne et de la fumée, mon regard n’accommode plus et se fond dans la lumière proche de midi ». Il traduit en langue-lumière ce qu’il voit. Il est le truchement qui nous permet de voir ce à quoi, sans lui, nous resterions aveugles. Telle l’ombre portée des caractères d’un texte en braille, reliefs de la langue tactile qu’éclaire une lumière rasante comme de soleil levant.
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Sur l’une des photos de la série In-Between, deux mains semblent tenter de palper l’impalpable. Entre elles, juste une tache de lumière dont on sent presque la chaleur sur ses paumes ; insaisissable comme l’ombre, celle d’un bouquet sur le mur ; fugace comme le mouvement, celui d’oiseaux dans leur envol ; évanescente comme la fumée qui, à peine les bougies éteintes, plane un moment autour de la mèche, tel un fantôme de flamme. La lumière comme « mesure de l’absolu ». |